40 ans après Albator 78, la première version animée du célèbre corsaire de l’Espace, le Capitaine Albator (ou Captain Harlock dans sa version originale), revient d’entre les morts via le coup de crayon de Jérôme Alquié qui lui donne un nouveau souffle grâce à sa trilogie des Mémoires de l’Arcadia.

Adoubée par Leiji Matsumoto avant sa disparition en 2023, cette dernière reprend les éléments distinctifs de l’univers : l’Espace, la piraterie, la quête incessante de liberté du héros / anti-héros ainsi qu’une certaine noirceur. En effet, il n’y a pas que l’espace qui est sombre, à l’intérieur même des personnages sommeillent des sentiments tourmentés. Mélancolie, tristesse, vengeance, regrets ne sont qu’un petit aperçu des différents états traversés par l’équipage et leurs antagonistes.

Regardons d’un peu de plus près ce que nous réserve cette trilogie afin de capter l’essence de l’œuvre et de voir si l’alchimie prend entre les versions de Matsumoto et d’Alquié.

Mémoire de l'Arcadia

Défiguré comme Albator

Le corsaire de l’espace est emblématique pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est la piraterie. Cicatrice au visage, cache-œil, tête de mort, sabre et arme à feu et surtout le vaisseau – bateau, toute la panoplie du pirate est présente ici.

Via son dessin épuré, des couleurs contrastantes et mises en valeur par un clair-obscur réussi, le tout sur un papier raffiné, Alquié ressort toute la beauté d’Albator et de son univers. On se croirait littéralement en train de lire des captures d’écran d’une version remasterisée en haute définition du dessin animé d’antan. Des cases de taille et forme variable reflètent le dynamisme presque incessant de l’histoire, les rares moments de recul correspondant à des phases de combat contre soi-même comme lorsque l’équipage est pris de désespoir face à une des Sylvidres modifiées.

Un manifeste de l’environnement

Les Sylvidres font leur retour et Alquié en profite pour remettre au goût du jour des thèmes environnementaux déjà présents dans l’histoire d’origine. Pour rappel, les Sylvidres et leur reine sont l’un des antagonistes principaux d’Albator (avec les humanoïdes entre autres). Ces extraterrestres mi-femme mi-plante prévoient de coloniser la Terre, ou, plus précisément, de la recoloniser puisqu’elles réveillent leurs ancêtres endormies depuis longtemps sur la planète.

Parmi les ancêtres, trois sœurs avaient été modifiées en devenant des armes de destruction massives contrôlant respectivement la glace, le feu et le désespoir. Trop froide, trop ardente, trop sombre, chacune des sœurs est une allégorie de l’état de la planète Terre.

Albator va devoir abréger les souffrances d’Eina, Mouna et Mel (car tel est leur nom) ainsi que de la planète pour retrouver un semblant d’harmonie éphémère. Mais elles ne sont pas les seules à souffrir car un autre personnage est le véritable fil conducteur de la trilogie.

Un code de l’honneur

Apparaissant brièvement dans chacun des tomes, animée par une quête de vengeance insatiable presque inhumaine (mais l’est-elle vraiment ?), Takima est l’un des dignes anti-héros de l’univers d’Albator. Là où le corsaire est affamé de liberté, la rivale est assoiffée de vengeance. Lui est rejeté par les siens et déploie ses voiles vers l’incertitude, elle ne peut même plus revenir vers eux et réalise sa quête dans une complète certitude. 

C’est dans ce type de contraste que réside la force d’Albator, une contradiction assumée entre la quête d’une liberté absolue et sa mise en œuvre autoritaire (rappelez-vous qu’il n’est pas possible de sortir vivant de l’équipage de l’Arcadia sans son accord), entre la souciance permanente d’un père pour sa fille et celle de l’aventurier irresponsable qui abandonne sa progéniture sur Terre. Entre le pirate corsaire et le chevalier loyal. Enfin, entre un sauveur et un tueur.

Conclusion : un univers qui ne tombera pas dans l’oubli

À travers les 3 tomes, d’environ 50 pages chacun, des Mémoires de l’Arcadia, Alquié réalise un tour de force qui ravivera les souvenirs des plus âgés et en créera de nouveaux pour la nouvelle génération : celui de faire perdurer un personnage et un univers emblématique, condamnés ensemble à errer pour l’éternité à travers l’espace et les BD. Prochaine étape pour Alquié Saint Seiya, dont les 2 premiers tomes de Time Odyssey sont déjà publiés.