Aujourd’hui nous cliquons et surfons sur Internet tellement vite, c’est si simple, que ça en est devenu frénétique. Nos historiques de navigations, nos informations sur Facebook, le contenu de nos emails, de nos tweets, nos recherches Google, nos achats, les objets connectés que nous possédons ou portons même sur nous, sont devenus de précieuses informations stockées par les monstres d’Internet (Amazon, Facebook et Google pour ne citer qu’eux), ainsi que par une multitude de régies publicitaires et d’intermédiaires en tout genre. Toutes ces données sont ensuite réutilisées ou revendues – revente pure ou retargeting – à des milliers d’entreprises qui n’ont plus qu’à se servir. C’est l’ère du Big Data dont nous avons déjà parlé précédemment. Big Data qui peut par ailleurs nous rendre bien des services.

Geoflow-for-Excel
“Geoflow” for Excel: 3D Big Data Visualization Built on Bing Maps

Tous les jours, nous produisons gratuitement pour ces grandes entreprises

Gratuitement ? Mais oui tout le monde connaît ce vieil adage : « Si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit ». Pourtant, dans ce cas-là, si nous sommes le produit, alors ce n’est pas gratuit. Nous ne payons pas forcément, en tout cas pas consciemment, mais notre utilisation du service n’est pas sans contrepartie : nous acceptons l’utilisation de nos données personnelles et celles que nous produisons sur ces plateformes, qui font de nous une main d’œuvre sans droit ni titre. Nous acceptons d’être écoutés, disséqués, pistés et tracés pour que le client final sache tout de nous parfois mieux que nos plus proches amis et parents. Rien de tout ça n’est gratuit, et en fin de compte le consommateur (donc nous, et ce d’autant plus que nous avons bien été ciblé) paie toujours la publicité. C’est là qu’intervient le « Digital Labor ».

Revenu des GAFA en 2016. Si Apple vend du matériel, Alphabet (Google) et Facebook n’ont pas du tout le même modèle …

Mais qu’est-ce que le Digital Labor ?

Le sociologue italien Antonio Casilli développe le concept de Digital Labor, et le traduit par le travail produit par les internautes qui alimentent les réseaux sociaux. En effet, nous ne sommes pas rémunérés pour chaque posts, tweets, commentaires que nous faisons en ligne. Pourtant, nous apportons de la valeur aux marques que nous supportons, un travail numérique, un « travail qui ne dit pas son nom » comme le soulève le sociologue.
Comme tout travail mérite rémunération, Antonio Casilli défend l’idée d’un « revenu de base universel » en taxant les grandes firmes et autres plateformes numériques qui échappent aux impôts et donc à la solidarité nationale.

Dessin Miles Hyman.

Le Revenu universel : plan B à la numérisation ?

La mise en place d’un revenu de base universel est une approche de la sécurité économique dans laquelle le gouvernement fournit à chacun de l’argent, sans distinction de statut. Certains pensent à 964 euros net qui correspondent au seuil de pauvreté. Les défenseurs estiment que le système pourrait constituer un moyen simple et intelligent de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Les détracteurs affirment que les bénéficiaires gaspilleront l’argent ou cesseront de travailler. Pourtant plusieurs études ont montré que, lorsque les gens reçoivent de l’argent, ils ne boivent pas d’alcool et ne cessent pas de travailler. Au lieu de cela, ils l’investissent dans des activités qui améliorent leurs revenus, leur sécurité, leur épanouissement et leur bien-être psychologique. Un étudiant, un artiste, un entrepreneur, un travailleur à temps partiel, saura se saisir de cette opportunité qui au final bénéficiera à toute la société. Outre le Digital Labor, il pourrait aussi rémunérer le travail invisible qui rend la vie possible (quand on s’occupe de sa famille et de son foyer par exemple, que ce soit des enfants ou que l’on soit aidant pour un ainé qui en a besoin). Il changerait aussi le paradigme du chômage stigmatisant. Cet article de Libération est très intéressant : Derrière le revenu universel, une vision non viriliste du travail.

Le revenu de base universel est encore à l’étape de projet même s’il a été abordé lors des dernières élections présidentielles. Mais attention aux contrefaçons comme celles évoquées par Emmanuel Macron, Président de la République, car son projet est bien loin de l’utopie originale et n’en produira donc pas les effets. Il continue d’être le sujet de nombreuses discussions notamment avec Arte qui pousse un peu plus la réflexion en lançant une web-série interactive sur le travail, l’argent et le revenu de base. Si le sujet vous intéresse, ne manquez pas le septième épisode qui paraîtra en décembre 2018.

Gagner sa vie, web-série ARTE

Du Digital Labor à la Taxe GAFA / Taxe Google

Ne nous leurrons pas, ce n’est pas spontanément que Google, Amazon, Facebook, Microsoft, et les autres vont venir financer ce revenu universel au titre du Digital Labor, même après les scandales à répétitions qui touchent notamment la firme de Mark Zuckerberg. Il suffit de voir les factures qu’elles éditent, la plupart exemptées de toute TVA. On les adore pourtant et on a du mal à s’en détacher (avec l’absence regrettable d’acteurs européens) mais il faut avouer qu’elles sont aussi championne de l’optimisation fiscale. Tout juste Emmanuel Macron, frappé et acculé par la crise des gilets jaunes, a-t-il anticipé un travail laborieux de l’Union Européenne en promettant la Taxe GAFA pour le 1er janvier 2019. Quant à la taxe sur les transactions financières européennes (TTF, Taxe Tobin), c’est l’arlésienne qu’on ne finit pas de détricoter et qui pourrait pourtant permettre d’importantes rentrées pour la justice sociale. Suppressions de niches fiscales / remise à plat de notre système d’imposition, lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, fusion des aides sociales, sont autant d’autres pistes envisageables.

2300 milliards de dettes ? Deux autres chiffres pour réfléchir : En 2017 les réserves de cash d’Apple seule s’élevaient à 250 milliards de $ (et les autres GAFA / Grandes entreprises cotées ?). En 2017 toujours, les 10 % des Français les plus riches détenaient plus de la moitié de la richesse du pays, selon l’ONG Oxfam. Normal ? Juste ? Qui peut le penser sans rougir ?

Et les Gilets Jaunes ils en pensent quoi du Revenu Universel ?

Tout cela me semble frappé du bon sens, le revenu universel pourrait être une solution à tout nos problèmes et un bon moyen de rénover notre modèle social abimé et dépassé. La France pourrait être précurseur et montrer la voie comme elle l’a déjà fait dans le passé, plutôt que de recopier les doctrines libérales qui ne marchent pas. Pourtant l’idée ne remporte pas l’adhésion et les gilets jaunes semblent arcboutés sur le SMIC et l’ISF. Est-ce leur seul espoir et proposition aux politiques ? L’honneur est sauvé avec le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) qui serait en effet une bonne idée s’il n’est pas entravé pour en empêcher toute application concrète. Il faudrait aussi que les législatives aient lieu deux ans après la présidentielle (mi-mandat comme aux USA). Le Grand Débat / Consultation Nationale de Chantal Jouanno sera-t-il à la hauteur et permettra-t-il de faire émerger des idées aussi intéressantes ? Emmanuel Macron a pour chance une opportunité historique. Saura-t-il la saisir ou fournira-t-il un boulevard pour les populistes en 2022 ?

L’Arc de Triomphe et la Patrouille de France (Source : Elysee.fr)

Et vous que pensez-vous du Digital Labor, du Revenu Universel, de la Taxe Gafa et de la crise des gilets jaunes ?