Du 18 au 20 septembre dernier, la 10ème édition de l’Euro Attractions Show se tenait pour la première fois à Paris. L’E.A.S., organisé par la I.A.A.P.A. (International Association of Amusement Parks and Attractions) est le rendez-vous incontournable pour les acteurs européens de l’industrie des parcs de loisirs et des attractions. Durant cet événement, conférences, visites des coulisses de Disneyland Paris et du Parc Astérix, entre autres, s’ajoutaient aux nombreux stands présents.
Les spécialistes des parcs de loisirs ont déjà présenté l’événement et même live tweeté pour partager leurs impressions. En tant que spécialiste junior du tourisme et des loisirs et diplômé d’un MBA dans la même spécialité, je souhaite, en m’appuyant sur la visite de ce salon, faire un état des lieux et apporter mon regard sur l’univers des loisirs en 2013.
L’entertainment, nous en consommons tous, entre amis, en famille et, nous sommes de plus en plus habitués et donc exigeants : on parle d’effet d’apprentissage. Ce phénomène s’illustre par le fait que, les jeunes générations, qui ont souvent voyagé avec les parents et continuent de façon autonome, ont cette culture du tourisme, ils en détiennent les codes, et ont davantage d’attentes, ils sont plus difficiles à séduire, à surprendre, à enchanter.
Un événement destiné à tous les professionnels du loisir et non seulement aux mastodontes
Souvent, on associe l’E.A.S. aux géants de l’industrie, pourtant, le secteur des loisirs qui s’est beaucoup développé ces dernières années ne se résume pas aux grands parcs. Bowlings, laser games, mini-golfs… et même les musées sont autant de lieux destinés à vous faire passer du bon temps voire à vous faire vivre des expériences mémorables. Ainsi, toute personne en charge d’un site culturel ou de loisirs a tout intérêt de se rendre à l’E.A.S. et d’y découvrir prestataires, tendances et innovations. De nos jours, la plus petite des structures doit rester en veille permanente afin de proposer un produit en phase avec les attentes du client.
Proposer des expériences thématisées et immersives pour se démarquer et exister
Le secteur de la restauration a su saisir le tournant de l’expérientiel depuis de nombreuses années avec un fort essor sur la dernière décennie : l’amérique de Buffalo Grill, la cuisine « spectacle » des teppanyakis ou encore les restaurants ultra thématisés comme l’enseigne Rocher des Pirates dans le sud de la France séduisent petits et grands qui, au-delà de se restaurer, sont animés par le désir de vivre une expérience.
Qu’en est-il de l’univers des loisirs ? Avez-vous déjà testé des parcours de mini-golf en France ? Qu’en avez-vous pensé ? Vous ont-ils donné envie d’y retourner ? Pourquoi ? Autant de questions que je vous pose car trop souvent les parcours de mini-golf, pour prendre cet exemple, se résument à des pistes de béton à un entretien se réduisant au minimum. Pourtant, que vient chercher le client lorsqu’il fait une activité de loisirs ? Il souhaite passer un moment agréable et ludique et détaché de son quotidien (on parle de « hors quotidien ») … le fait-on vraiment « rêver » avec ce parcours de golf ?
Si je prends cet exemple, c’est que le salon accueillait, parmi ses stands, des designers d’attractions et de sites de loisirs dont la société Jora Vision qui a notamment travaillé sur les décors de « Arthur, l’aventure 4D » (Futuroscope) ou encore « Volcans sacrés » (Vulcania). Sur leur stand, un book présentait différent projet dont « The Forgotten Mine », un mini-golf indoor thématisé installé au sein du Parc Molenheide en Belgique. Ce parcours comporte des éléments interactifs et offre une expérience multisensorielle pour surprendre et enchanter les joueurs. Pour ce parcours, Jora Vision a d’ailleurs reçu la récompense de la meilleure attraction thématique à bas budget, attribuée par la Themed Entertainment Association en 2010. La vidéo parle d’elle-même.
Selon moi, c’est vers ça que doivent se tourner les entreprises de loisirs, elles doivent pousser l’entertainment au plus haut, raconter une histoire, faire vivre des expériences immersives et dépaysantes. Il y a 20 ans peut-être, ou même moins, un mini-golf, un bowling ou un parc aquatique pouvaient bien fonctionner de par une absence de concurrence. Désormais, les sites de loisirs se multiplient et il est important de se démarquer, pas forcément par le prix, mais par le produit proposé, par l’histoire qu’on raconte.
Immersion, simulation, implication du visiteur, innovations technologiques et aspects ludiques sont les tendances et correspondent en tout cas aux attentes des visiteurs de sites de loisirs à l’heure actuelle et beaucoup de sites touristiques et de pays l’ont compris, en France, ces aspects se développent que depuis peu : il suffisait de voir les visuels de projets développés dans d’autres pays : des parcs aquatiques, des zoos et autres sites aux univers bien choisis et méticuleusement mis en scènes. En France, nous avons le pouvoir de développer également des expériences fortes, alors, allons de l’avant.
Une révolution déjà engagée mais encore beaucoup d’opportunités dans le secteur de l’entertainment.
Ici, quelques exemples issus de mes visites personnelles permettent de donner un léger aperçu de ce qu’il existe en France.
- Musées et expositions
L’univers culturel des musées et des expositions l’a déjà bien compris lorsqu’on voit les expériences de visites proposées par les expositions itinérantes Toutankhamon (été 2012) et Titanic (été 2013) au parc des expositions de Paris Porte de Versailles : narration, polysensoriel et immersion sont au rendez-vous dans un scénario de visite bien rodé. A ce sujet, vous pouvez (re)découvrir mon article paru l’an passé et dans lequel je « décortiquais » l’expérience de visite de Toutankhamon. L’Espace de Restitution de la Grotte Chauvet en Ardèche (07), actuellement en construction, promet également une expérience immersive et sensorielle jusqu’en reproduisant l’humidité.
- Aquariums
Le Grand Aquarium Saint Malo propose le « Nautibus » : un mini sous-marin vous fait découvrir les fonds marins. Vous vous doutez qu’il s’agit en fait d’un « dark ride » (un parcours scénique en lieu clos) : des « wagons » fermés et immergés évoluent dans un bassin peuplé de poissons, mais l’effet procuré est fort et offre une aventure différente d’une simple déambulation piétonne puisque il y a une simulation, une immersion (dans les 2 sens du terme pour le coup) et une scénarisation de la visite avec une implication du visiteur qui vit une expérience, il n’est pas que spectateur, il y participe ! L’Aquarium de Paris quant à lui a développé un univers thématique avec différentes mascottes, dont Kinkin le requin, ainsi que des animations ludique afin de proposer une expérience complète et de tirer vers le haut le temps passé, par visiteur, au sein du site.
- Zoos
Savez-vous qu’il y a en France plusieurs dizaines de zoos ? Certains sont généralistes, d’autres spécialisés (félins, oiseaux, singes…) mais au final, beaucoup se ressemblent. Pourtant l’univers du la jungle, savane… ne sont-ils pas des univers qui inspirent l’aventure, la découverte et le voyage? Pourquoi ne pas exploiter ces opportunités ? Combien de parcs animaliers vous proposent une réelle expérience unique ? Combien vous racontent une histoire en vous mettant au centre d’un scénario ? Je pense qu’il y a des choses à développer en ce sens, vraiment. De mon côté j’ai beaucoup apprécié Planète Sauvage près de Nantes (Port-Saint-Père) qui propose un parcours en voiture qui avoisine les 10km avec la possibilité, soit d’utiliser son propre véhicule, soit d’embarquer à bord d’un 4×4 pour un « raid » en groupe. Il y a également la possibilité de passer la nuit au bivouac. L’expérience est ainsi un cran au dessus certains autres zoos même si, bien sûr, il est possible de pousser la scénarisation plus loin en proposant une aventure, un scénario aux visiteurs.
- Accrobranche
Enfin, les parcours d’accrobranche ont poussés comme des champignons ces 10 dernières années mais ne pourrait-on pas voir apparaître des parcours thématisés et scénarisés là aussi ?
Ces quelques exemples sont là pour vous montrer, que dans un secteur qui se banalise ou reste trop uniforme, il est possible de créer quelque chose de différent, de faire voyager les visiteurs.
L’E.A.S., une réelle occasion de découvrir tendances et nouveautés
Jeux gonflables, manèges en tout genre, coasters, kiosques à confiseries ou à Granitas, fabricants de mascottes, jeux vidéos, décorateurs, créateurs d’ambiances sonores, développeurs d’applications pour smartphones, sociétés de ticketing et de contrôle d’accès,… tous les acteurs imaginables et en lien avec l’entertainment étaient présents pour se rencontrer, conclure des contrats et présenter les produits que nous connaissons déjà et ceux que vous découvrirez demain dans une fête foraine, un parc d’attractions ou un site touristique.
Les prestataires proposant du cinéma 3D et plus étaient très présents et il était même possible de les tester. Je parle de « 3D et plus » car il certains affichaient être en 3D, 4D, 5D et même 6D… autant d’arguments pour attirer mais au final, très peu de produits séduisants. Les moins élaborés étaient des films 3D et au mieux, il y avait en plus l’aspet dynamique des sièges, les effets (vent, eau…) et l’interactivité. De la petite dizaine que j’ai essayée, j’ai beaucoup apprécié le XD Dark Ride « Pirates ! » de la société Triotech : un cinéma 4D très interactif puisque chaque participant est muni d’une arme et participe à l’aventure. Les points sont comptés et un classement des joueurs s’effectue à plusieurs reprises durant le film dont on est les héros. L’image est vraiment correcte, le son et les effets le sont également, et bien sûr l’implication ainsi que le plaisir du jeu sont très présent. Sur un autre stand par exemple, le film n’était qu’un « déballage » des différents effets 4D, servi par un scénario pauvre, des effets décalés de l’image et même, un bug vidéo.
Si vous avez déjà essayé le karting et que vous désirez des sensations plus aquatiques, voici une invention française (près de Laval, 53). Les véhicules sont électriques et le but, comme pour le karting, est de parcourir un circuit matérialisé sur l’eau via des éléments gonflables. Je trouve l’idée vraiment sympa.
Un autre stand qui a retenu mon attention est celui de la société Barco spécialisée dans l’image et la vidéo. J’ai pu y tester une table tactile qui permet de créer de la musique en faisant interagir des objets sur celle-ci (Jean-Michel Jarre n’a qu’à bien se tenir…) ou encore essayer un simulateurs avec un écran sphérique optimisant l’immersion. Le produit le plus bluffant exposé était un dispositif publicitaire permettant de reconnaître l’âge et le sexe d’un passant afin de diffuser un message publicitaire adapté. Discuter de toutes ces technologies avec l’un des responsables de projets fut très enrichissant.
Enfin, la société allemande Mack Rides et leur parc Europa Park étaient très présents, notamment par le biais de l’attraction « Arthur au Royaume des Minimoys » (nouveauté 2014) puisque tous les prestataires ayant travaillés sur le projet étaient fiers d’en faire la publicité sur leur stand.
Il n’y a ici que quelques exemples, L’E.A.S. permet de voir la multitude de projets et de concept qu’il est possible de développer.
Quelle est la recette pour offrir aux visiteurs des expériences mémorables et génératrices de sentiments forts ?
Vous aurez compris que cet article, n’a pas pour but de pointer du doigt certains professionnels, mais au contraire, de montrer qu’il y a encore plein de choses à faire et à mettre en place, en donnant même parfois quelques pistes de réflexions. L’univers des loisirs se professionnalise de plus en plus et pour y rester présent, il faut s’adapter et innover.
Je ne prétends pas avoir LA recette qui permet la réussite car j’apprends moi aussi, cependant, voici ici des ingrédients à exploiter pour apporter une vraie valeur et de la différenciation à votre produit. N’hésitez pas à réagir :
- Le thème : il doit être fédérateur, en lien avec votre activité, et de celui-ci découlera les choix des éléments qui suivent, jusqu’aux moindres détails.
- Le storytelling : racontez une histoire à vos visiteurs et ce dès leur arrivée. Elle doit fournir le cadre narratif de l’expérience proposée, et impliquer le visiteur : l’expérience est coproduite avec le client qui aime l’aspect ludique même lorsque la finalité est culturelle.
- La thématisation : identité visuelle, décors, théâtralisation des espaces, costumes… collez au thème et ayez le souci du détail pour rendre l’immersion la plus totale possible. La thématisation est en accord avec le thème directeur choisi et participe au storytelling.
- La scénarisation : la scénarisation dépasse la simple notion de décors, elle est globale et prend également en compte le personnel en contacts qui participe fortement à l’histoire racontée en adaptant le vocabulaire et la gestuelle voire en jouant un rôle pour rendre optimale l’immersion et faire vivre le thème. L’ajout d’éléments multisensoriels (odeurs, textures, univers sonore…) va lui aussi être un vrai apport et développer, chez le visiteur, des émotions.
Bien sûr, le web 3.0 et le développement du digital permet d’intégrer de nouveaux éléments et d’ajouter une nouvelle dimension aux expériences en impactant aussi bien l’immersion, l’aspect ludique ou encore l’implication du visiteur.
En fait, tous les éléments cités ont pour but de servir l’expérience afin de la rendre mémorable car il faut susciter le désir avant la visite, créer le plaisir pendant et générer du souvenir, de la mémorabilité pour l’après.
Selon Pine & Gilmore (2011), miser sur l’expérience client permet, entre autres, la pratique de prix premium, le recrutement de davantage de clients et la fidélisation puisque le plaisir du visiteur est augmenté tandis que son anxiété, et tout autre signe négatif, sont réduits.
Les univers des loisirs, de l’entertainment et de la culture sont plein de ressources et la créativité y est presque infinie. Du côté des clients, les attentes et les envies ne cessent de grandir : on en veut toujours plus, plus de « Wow » (enchantement), plus de sensations, plus d’émotions. Autant d’éléments qui font que les professionnels, notamment ceux passionnés, peuvent réellement prendre du plaisir à créer encore et encore les concepts et expériences de demain pour que chacun puisse, le temps d’une visite, s’amuser, découvrir mais surtout « rêver » au point de pouvoir un jour se dire « je m’en souviens ».
Pour aller plus loin, découvrez le dossier de NewsParcs à propos de l’édition 2013 de l’E.A.S..
Et vous qu’en pensez-vous ?