go.jpgL’Art de la guerre est un ouvrage qui daterait de 500 avant J-C. D’origine chinoise, il aurait été écrit par Sun Tzu. Il décrit par le menu la stratégie qu’un général doit adopter pour gagner toutes les batailles qu’il aurait à livrer. Ce livre très ancien qui fait tant parler de lui est-il toujours d’actualité à l’ère de la globalisation, et du Web 2.0 ?

C’est ce que je voulais vérifier, et c’est tout naturellement le premier ouvrage que j’ai dévoré sur iPad. La traduction qui m’a été proposée est celle du Père Amiot, première traduction française datant de 1772. Elle n’est pas commentée et reste accessible. Je vous la conseille.

J’y ai vu plusieurs applications modernes tant dans le domaine de l’entreprise (stratégie et management, que politique). En fait il s’agit dans bien des cas de  » bon sens « . Sun Tzu m’a cependant apparu comme radical et cynique, et au premier degré tout les moyens sont bons pour gagner une bataille : envoyer des leurres, manoeuvrer, tromper, espionner … Est fou et inconscient celui qui voudrait aujourd’hui l’appliquer à la lettre. Pourtant une lecture moderne et critique lui donne plus de profondeur.

La première image que j’ai d’ailleurs choisi pour illustrer cet article est celle d’un jeu de Go. Le jeu de Go est un jeu de stratégie d’origine asiatique, contrairement au jeu d’échec qui – à mon sens – est d’avantage basé sur la tactique. On peut aussi parler du poker pour l’art du bluff.

Sun Tzu avait compris qu’une guerre se gagnait sur les apparences. N’est ce pas encore le cas aujourd’hui ? La communication a pris un ascendant certain, et elle a prise tant sur les équipes internes, que sur la populations et les marchés financiers.

Voici quelques extraits qui m’ont paru intéressant. J’espère vous donner envie de lire l’ouvrage dans son intégralité. Vous aurez peut être d’ailleurs une autre lecture que la mienne que je vous invite à partager.

Sur le management :

 » Je dis que vous devez aimer tous ceux qui sont sous votre conduite comme vous aimeriez vos propres enfants. « 

C’est limpide. Comment espérer manager efficacement si on méprise son équipe. Aimer ne veut pas dire être trop gentil, aimer ses enfants c’est agir avec bienveillance pour leur bien, leur épanouissement.

 » S’il arrive que vos troupes nonchalamment assises donnent des marques de tristesse, si elles vont jusqu’à verser des larmes, tirez-les promptement de cet état d’assoupissement et de léthargie, donnez leur des festins, faites-leur entendre le bruit des tambours et des autres instruments militaires, exercez-les, faites-leur faire des évolutions, faites-leur changer de place, menez-les même dans des lieux un peu difficiles, où elles aient à travailler et à souffrir. « 

 » Les hommes se conduisent ordinairement par l’intérêt; si vos troupes ne trouvent dans le services que des peines et des travaux, vous ne les emploierez pas deux fois avec avantage. « 

Il arrive souvent que le découragement et le stress anime une équipe. C’est là qu’il faut proposer de nouveaux projets – mêmes difficiles et ambitieux – former, faire évoluer. Par ailleurs si l’équipe ne se sent pas récompensée comme il se doit, elle ne produira pas deux fois le même effort.

 » S’il ignore les besoins de ceux qui composent sont armée, s’il ne sait pas le genre d’occupation auquel chacun d’eux exerçait auparavant, afin d’en tirer parti suivant leurs talents; s’il ne connait pas le fort et le faible de ses gens, s’il n’a pas lieu de compter sur leur fidélité, s’il ne fait pas observer la discipline dans toute la rigueur, s’il manque du talent de bien gouverner, s’il est irrésolu et s’il chancelle dans les occasions où il faut prendre tout d’un coup son parti, s’il ne fait pas dédommager à propos ses soldats lorsqu’ils auront eu à souffrir, s’il permet qu’ils soient vexés sans raison par leurs officiers, s’il ne sait pas empêcher les dissensions qui pourraient naître parmi les chefs; un général qui tomberait dans ces fautes rendrait l’armée boiteuse et épuiserait d’hommes et de vivres le royaume « .

 » Des troupes qui ne seraient pas bien conduites, ne sauraient vaincre. »

Un résumé des qualités d’un manager selon Sun Tzu… D’ailleurs pensez vous que vos responsables hiérarchiques aient en tête votre CV et ce qui vous passionne ? Vous seriez peut être déçu…

 » Ne négligez rien de tout ce qui peut contribuer au bon ordre, à la santé, à la sûreté de vos gens tant qu’ils seront sous votre conduite ; ayez grand soin que les armes de vos soldats soient toujours en bon état. « 

Les locaux, le matériel, le bien être… autant de sujets d’actualités et trop souvent mis à l’écart. Manger correctement, faire du sport, être bien assis et avoir une lumière naturelle suffisante, avoir une mutuelle pour se soigner… Autant de sujets qui ne sont pas secondaires bien au contraire. Quelqu’un en bonne forme et motivé est plus productif n’est ce pas ?

 » C’est à l’habilité du général à faire naître les occasions et à distinguer lorsqu’elles sont favorables; mais il ne doit pas négliger pour cela de prendre l’avis des officiers généraux, ni de profiter de leurs lumières, surtout si elles ont le bien commun pour objet. « 

Un bon manager doit aussi savoir écouter.

 » N’oubliez rien pour lui débaucher ce qu’il y aura de mieux dans son parti : offres, présents, caresses, que rien ne soit omis… « 

Sun Tzu conseille également le débauchage chez l’ennemi. Cela peut paraître obscure, et pourtant si la personne n’est pas heureuse là où elle est, de qui est ce la faute ? C’est un enjeu qui va parfois même devant les tribunaux pour certains cas, mais l’atout humain reste essentiel.

 

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Sur la stratégie :

 » Rendez- vous dans des lieux où l’ennemi ne puisse pas soupçonner que vous ayez dessein d’aller. Sortiez tout à coup d’où il ne vous attends pas, et tombez sur lui lorsqu’il y pensera le moins « .

 » Un ennemi surpris est à demi vaincu. « 

La culture du secret a longtemps été le crédo d’Apple, qui a plusieurs fois surpris ses concurrents : l’ipod, l’iphone, l’ipad… Quand le secret s’est éventé, il était déjà trop tard pour riposter (R&D, développements, tests, recherche des fournisseurs, productions …)

 » S’il faut cacher vos desseins, soyez obscur comme les ténèbres. Gardez- vous sur toutes choses de faire jamais aucune sortie en vain. « 

Là encore reprenons l’exemple d’Apple qui communique souvent succinctement ou via les keynotes. A modérer car à l’heure du Web 2.0 il est bon aussi de partager, d’échanger et d’apprendre de ses clients / usagers. Cependant il arrive à Steve Jobs assez fréquemment de répondre à des messages qui lui sont adressés directement ou au support technique, autrement dit le sujet semble lui apparaître important.

 » Ce n’est pas tout. Comme il est essentiel que vous connaissiez à fond le lieu où vous devez combattre, il n’est pas moins important que vous soyez instruit du jour, de l’heure, du moment même du combat; c’est une affaire de calculs sur laquelle il ne faut pas vous négliger. Si l’ennemi est loin de vous, sachez jour par jour le chemin qu’il fait, suivez-le pas à pas, quoique en apparence vous restiez immobile dans votre camp … « 

 » Il consiste encore à vous tenir continuellement sur vos gardes pour n’être pas surpris, et à veiller sans cesse pour épier le moment de surprendre votre adversaire. « 

 » Un bon général doit connaître tous les lieux qui sont ou qui peuvent être le théâtre de la guerre, aussi distinctement qu’il connaît tous les coins et recoins des cours et des jardins de propre maison. « 

 » Une armée sans agents secrets est un homme sans yeux ni oreilles « .

Il est question dans ces extraits d’une activité essentielle : la veille. Il est indispensable de savoir ce qu’il se fait, par qui, comment. Sun Tzu va jusqu’à suggérer l’usage d’espions. Aujourd’hui nous parlons bien d’espionnage industriel. Ce sont des menaces qui sont prises très au sérieux par les grandes entreprises.

 » Ainsi prenez une voie indirecte et divertissez l’ennemi en lui présentant un leurre. « 

Des leurres. Reprenons le si bon exemple d’Apple. Du buzz et des rumeurs précédent les différentes annonces il y en a plein. Il y a même eu l’épisode du vol et du recèle du prototype de l’iPhone 4. Les rumeurs servent aussi à déstabiliser la concurrence, autant que de sonder le marché et attiser la curiosité.


Ayez constamment une extrême attention à ne jamais séparer les différents corps de vos armées. Faites qu’ils puissent toujours se soutenir aisément les uns les autres; au contraire faites faire à l’ennemi le plus de diversions qu’il se pourra. S’il se partage en dix corps, attaquez chacun d’eux séparément avec votre armée toute entière ; c’est le véritable moyen de combattre toujours avec avantage. De cette sorte, quelque petite que soit votre armée, le grand nombre sera toujours de votre côté. Que l’ennemi ne sache jamais comment vous avez l’intention de combattre, ni la manière dont vous vous disposez à l’attaquer ou à vous défendre. Car, s’il se prépare au front ses arrières seront faibles, s’il se prépare à l’arrière son front sera fragile, s’il se prépare à gauche, sa droite sera vulnérable, s’il se prépare à sa droite sa gauche sera affaiblie, et s’il se prépare en tout lieu il sera partout en défaut. « 

Se concentrer sur un sujet à la fois. Chez Apple Mac OS X a été une priorité. Maintenant qu’il est stable et fonctionnel, et reconnu comme tel, c’est iOs qui est devenu la priorité. Ainsi contrairement à Microsoft et à Google l’entreprise se diversifie mais se concentre généralement sur un seul sujet. Pas sûr que cela puisse durer. Par ailleurs Sun Tzu dit aussi qu’avoir une grande armée n’est pas forcément idéal si elle est mal encadrée et employée. Je pense aussi ici à la politique, à Nicolas Sarkozy qui a multiplié les fronts et donc les critiques, et qui a par là même brouillé son message.

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Sur la politique ? :

 » Si les différents corps qui composent l’armée des ennemis ne se soutiennent pas entre eux, s’ils sont occupés à s’observer mutuellement, s’ils cherchent réciproquement à se nuire, il vous sera aisé d’entretenir leur mésintelligence, de fomenter leurs divisions; vous les détruirez peu à peu les uns par les autres, sans qu’il soit besoin qu’aucun d’eux se déclare ouvertement pour votre parti; tous vous serviront sans le vouloir, même sans le savoir « .

Cela ne vous rappelle rien ? Récemment le PS se déchirait de congrès en congrès. Dans ce cas de figure il suffit de ne rien faire. Si je parle ici du PS il fut un temps aussi où le RPR/UDF se déchirait également.

Pour conclure :

 » Connais-toi toi-même, connais ton ennemi, ta victoire ne sera jamais mise en danger. Connais le terrain, connais ton temps, ta victoire sera alors totale. « 

Et le Web 2.0 dans tout cela ?

Le Web 2.0 offre des outils participatifs et collaboratifs en temps réel ainsi qu’en mobilité.

Par exemple pour la veille vous pouvez connaître en temps réel les dernières informations disponibles, vous savez qui est recruté et par qui, vous savez qui heureux ou qui est malheureux …

Vous pouvez effectuer des sondages, et connaître les attentes de vos clients / usagers.

Le Web permet également d’initier un buzz, de lancer pour certains des leurres, et de communiquer avec une rapidité étonnante pour surprendre le marché.

En contre-partie il devient plus difficile d’être secret, car la veille que vous effectuez d’autre la font également, et c’est à celui qui sera le mieux informé, le plus vite et surtout qui saura tirer parti des informations qu’il aura reçu.

Et vous qu’en pensez vous ?