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J’ai débuggé Prestashop Ready (et pourtant c’était moi le client). La culture du bug côté start-up ?

Tout le monde connaît Prestashop. Il s’agit d’une application web open-source dont le but est de créer une boutique en ligne. Elle est éditée par la société française du même nom, et par son succès apparaît comme une belle réussite hexagonale. Si sa part de marché serait encore « marginale » au niveau mondial (derrière Magento et WooCommerce), on lui prête presque 50% du marché français. Son modèle économique est simple : une place de marché d’habillages et extensions diverses (à la manière de WordPress) et depuis peu une solution « clé en main » sur abonnement appelée Prestashop Ready.

La page d’accueil de Prestashop

Prestashop Ready, une solution pour démarrer simplement dans le e-commerce ?

Je connais bien les avantages et les limites de ce type d’offre pour avoir travaillé pour blogSpirit / Hautetfort qui proposait la même chose pour les blogs. Mais dans le cadre du lancement d’une nouvelle gamme de produits pour l’un de mes clients, et sur la bonne réputation de la solution Prestashop, on s’est laissé séduire. L’abonnement attractif permettait de ne pas prendre trop de risque, et de se concentrer sur le lancement de la boutique plutôt que d’autres considérations comme l’hébergement et l’installation de la solution. Un gain de temps appréciable. Et comme la solution est française, c’était aussi l’assurance d’avoir des interlocuteurs en cas de problème tout en soutenant le Made in France ou la French tech comme vous préférez (bien qu’une partie de leur équipe de développement soit outre-atlantique). Bref sur le papier le plan semblait parfait. C’était en Juin 2018.

L’abonnement Prestashop Ready. 238,80 euros HT. Un tarif compétitif pour démarrer. Mais cela excuse-t-il les bugs ?

Les soucis n’ont pas tardé à apparaître sur Prestashop Ready … et la réaction s’est faite attendre.

Malheureusement on avait oublié de nous spécifier que nous serions des beta-testeurs. En effet les problèmes se sont accumulés avec le temps, et le support (plus ou moins performant selon l’agent sur lequel on tombait) s’est vite trouvé fort dépourvu. Au point, à force d’insistance, d’escalader rapidement jusqu’à la direction produit et technique. Des gens charmants, qui font sans doute de leur mieux, mais qui n’ont jamais su, en plus de 6 mois résoudre tous les problèmes rencontrés (ni respecter leurs dates de mise en production), au point qu’au final mon client change de mode d’hébergement. Peut-être la solution sera-t-elle robuste dans 6 mois, dans un an, et on leur souhaite surtout qu’une version premium est annoncée. Mais cela pose un certain nombre de questions sur les start-up en général et cette capacité, de plus en plus assumée de nous vendre des produits non finalisés. Parmi les problèmes rencontrés : habillages inutilisables et pas du tout dans les normes du marché ni qualitatifs, fonction thème enfant défectueuse (ennuyeux quand il faut le corriger), le responsive mobile vide et pixellisé, images de déclinaisons qui ne s’affichent pas, mauvaise synchronisation Upela et Google Shopping, indisponibilités, statistiques erronées, notifications illisibles, et j’en passe (32 lignes dans le fichier partagé).

Le module de gestion des transporteurs de l’administration Prestashop Ready. Upela n’a pas vraiment assuré non plus.

Vendre des produits imparfaits et buggés est-il une marque de fabrique des start-up ?

J’ai donc passé l’été à débugger une solution (je n’ai pas été rémunéré par Prestashop, ni été remboursé par contre ils ont bénéficié de mes retours, formulés par téléphone et sous la forme de Google doc documenté et recette de leurs correctifs).

Une partie de Babyfoot chez Prestashop ? Source : https://www.glassdoor.fr/photos/PrestaShop-Photos-des-bureaux-IMG392371.htm

Combien de fois a-t-on, à divers degrés, cette sensation d’utiliser un service en beta test et d’avoir le droit à un support client défaillant ? C’est presque une marque de fabrique pour nombreuses start-up. Alors quand c’est open-source on en prend notre partie. Quand c’est un service naissant qui vous offre les premiers mois de son service en vous indiquant que c’est en beta test aussi, même si au final la gratuité se paye par vos retours qui ont plus de valeur qu’un simple abonnement. Mais quand c’est un service payant là c’est beaucoup plus problématique. Imaginez-vous Mercedes ou BMW vendre une voiture en beta test ? Que dirait-on de Nintendo, d’Apple ou de Disney si le produit n’était pas fini et d’un certain niveau de qualité ? Pourquoi accepte-t-on de certaines entreprises technologiques ce type de dysfonctionnements alors qu’on ne le ferait pas dans d’autres secteurs ?

Je ne sais pas pour le cas de Prestashop, mais j’ai travaillé de nombreuses années en start-up, et je l’ai vécu de l’intérieur. Manque de moyens (humains / financiers), d’expertise, d’accompagnement et parfois même d’ambition, ces entreprises souffrent pour la plupart des mêmes maux avant, pour beaucoup, de disparaître de la circulation et de la mémoire même de leurs anciens utilisateurs. Que sont devenus leurs baby-foot et autres piscines à balles ? Ces objets connectés qui ne se connectent plus à rien (puisque tout est basé sur le cloud) ? Les Chef de projets / produits que j’ai eu au téléphone, les agents du support, et peut-être même certains directeurs, font souvent ce qu’ils peuvent et il est difficile pour les plus consciencieux de vivre avec, mais « pas le choix ». Ce qui m’ennuie davantage c’est quand cela est devenu si banal qu’on ne s’en offusque même plus. Et le numérique, au lieu de nous simplifier la vie, nous afflige.

Et vous, que pensez-vous de la culture du bug dans les entreprises High Tech ?

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