L’actualité internationale est depuis plusieurs semaines concentrée autour de la méditerranée. Les peuples tunisiens et égyptiens ont créés une véritable insurrection révolutionnaire. D’autres pays suivront peut-être bien au delà de ce cadre géographique. A l’heure qu’il est Ben Ali a quitté la Tunisie, Mubarak n’a plus le contrôle de la situation en Egypte, et le climat semble très tendu dans d’autres pays. On pense aussi aux évènements qui ont eu lieu en Iran en Juin 2009. Chaque pays a sa propre identité, son histoire, et forcément chaque cas est différent. Pourtant on peut aussi y voir quelques similitudes troublantes comme le rôle de Twitter, de Facebook et des mobiles. Sur ce blog nommé Papa Citoyen où il est question depuis le début de « Révolution 2.0 » et de « Révolution Mobile et Tactile », je ne pouvais bien sûr ignorer ce sujet qui me passionne. Le 08 décembre 2009 je posais d’ailleurs la question comme un leitmotiv : Et si la révolution liée aux nouvelles technologies touchait aussi profondément notre démocratie pour la vivifier ? 

J’ai attendu pour publier. D’abord par faute de temps, mais aussi parce que je souhaite maintenant me donner plus de temps pour la réflexion. Nombre d’articles ont été publiés sur le sujet et je ne manquerai pas de citer ceux que j’ai trouvé très intéressants et qui ont nourri cette note. Merci à Twitter pour m’avoir informé en temps réel et avoir relayé tant de riches contenus.

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Union pour la Méditerranée. 
Source et légende image : Wikipedia

L’Histoire de France commence réellement à m’intéresser à partir des évènements révolutionnaires du 18ème siècle. La prise de la bastille, la fuite du Louis XVI, les premières assemblées constituantes, le roi guillotiné, la terreur, … Autant d’évènement qui doivent nous rappeler que le sang a coulé dans notre pays afin que nous jouissions de la démocratie aujourd’hui. Mais plus qu’une révolution, il s’agit d’une lutte de chaque instant, et si le moment révolutionnaire est le point d’orgue de ce qu’il se passe, ce qui suit est autrement plus important, et tout peut toujours basculer. 

Notre révolution n’a pas eu besoin de Twitter, Facebook et des réseaux sociaux. Ni de l’iPhone. On en était alors très très loins. On en était encore très loin pendant la seconde guerre mondiale quand la résistance s’est mise en réseau et s’est organisée contre l’occupant allemand. Ces outils, issus du monde de l’informatique et de l’internet, ont été pensés et crées en Occident, et principalement, aux Etats Unis avec une certaine idée de notre société et des droits de l’Homme (même s’il faut rester vigilant face aux dérives). Cette idée est, je pense, celle qu’on doit pouvoir, qui que l’on soit, communiquer librement et bénéficier de l’information sans que celle-ci puisse être censurée. Même s’ils ont un rôle important à jouer, nous ne sommes plus dépendants des médias traditionnel (et du filtre naturel que leur modèle suppose) pour savoir ce qu’il se passe aux quatre coins du monde. Une photo, un tweet, un partage sur Facebook, une vidéo sur Youtube, et l’information circule vite… très vite. Nous avons confiance en ceux que nous suivons ce qui accroît la portée de ce qui est partagé. Sauf que… certains pays bloquent ou filtrent ces outils, parce qu’ils en ont peur : le monde extérieur ne doit pas savoir ce qu’il se passe chez eux, et les peuples qui les composent ne doivent pas être éclairés et sortir du champ de la manipulation. 

Personne ne pourra nier, chiffres et faits à l’appui que Twitter, Facebook, les blogs bien sûr, et l’Internet dans sa globalité ont participé aux évènements qui ont eu lieu en Iran en 2009, et en ce moment même en Tunisie et en Egypte. On retient notamment que du filtrage des réseaux en Tunisie, on en soit arrivé au blocage pur et simple d’Internet en Egypte. Cela serait-il arrivé si le pouvoir en place dans ces pays n’en avaient pas une peur panique ? Mais au contraire, des moyens de contournement ont été trouvés, même proposés par Twitter et Google (twitter par téléphone) notamment ou le fournisseur d’accès Internet Français FDN. Une solidarité entre internautes à l’échelle internationale s’est crée, et enfin, ce blocage a conduit certaines personnes qui ne seraient pas sorties dans la rue à partir manifester elles-aussi. 

Ci-dessous un client Twitter Hootsuite que j’utilise également a publié ses statistiques autour de la révolution égyptienne. On peut voir l’importance de certains mots clés au niveau mondial, ainsi que l’évolution incroyable du volume d’inscriptions et de messages en provenance d’Egypte. Les graphiques ci dessous montrent une évolution sans appel qui a du se retrouver sur d’autres outils. En Tunisie c’est Facebook, avec 2 millions de comptes, qui a été le lieu de refuge alors que Twitter et Youtube étaient filtrés.

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Source et article associé : Blog Hootsuite

Il ne faut pas pour autant oublier le rôle d’Al-Jazeera dont la diffusion a également été bloquée en Egypte. L’équivalente de la CNN pour le monde arabe (financée par le Qatar) a vu son trafic sur Internet suivre une courbe de croissance tout à fait similaire. La progression de l’audience de leur site serait de 2500% depuis le 27 Janvier 2011. La chaîne enregistrerait 40 000 000 de téléspectateurs par jour ce qui en fait un ennemi à abattre par les ennemis de l’information. Mais Al-Jazeera est aussi critiquée par l’occident car donnant aussi la parole à l’opposition islamiste. Ne faut-il pas donner la parole à tous pour que chacun puisse se faire une opinion en son âme et conscience ? Certes les choix démocratiques ne sont pas toujours les plus judicieux, mais est-ce que l’on doit pour autant vivre dans le noir et l’ignorance ? Ainsi Al-Jazeera est déjà interdite au Maroc, en Algérie et même en Irak ! L’Arabie Saoudite a aussi lancé sa chaîne info du nom d’Al-Arabia, réputée plus modérée. Comme pour l’Internet bloqué en Egypte, la censure sur Al-Jazeera n’aura comme effet que de motiver les journalistes à couvrir l’évènement et peut être à faire tomber le régime qui cherche à les faire taire. Ces chaînes ne sont d’ailleurs pas les seules concernées puisque des arrestations et des violences ont eu lieue contre des journalistes occidentaux ce qui a été, encore heureux, unanimement condamné. 

Une tentative d’intoxication aurait également été effectuée selon Orange et Vodaphone par les autorités égyptiennes qui auraient fait envoyer via leurs réseaux des SMS de propagande dont l’expéditeur ne serait pas clairement identifié.

En France, lors de la révolution de 1789, c’est le bouche à oreille qui a permis de diffuser principalement l’information. La presse était alors balbutiante et prendra peu à peu de l’importance. Avec l’arrivée du téléphone, de la radio, de la télévision (si celle ci n’est pas d’état ou censurée), des mobiles (avec son SMS) et maintenant de l’Internet et de son fameux Web 2.0 tout s’accélère. 144 caractères sur Twitter repris par des dizaines, des centaines, des milliers de personnes, et une info se propage qu’elle soit un simple texte, une photo, un enregistrement audio, une vidéo. Mieux, la partager c’est aussi dire « cela m’a intéressé » ou « je suis d’accord avec ça, es tu d’accord toi aussi ? ». La partager c’est donc aussi démarrer une conversation sans frontière, ne serait-ce celle de la langue. 

En Tunisie, comme en Egypte, des images choquantes et violentes, impliquant souvent la mort, ont mis le feu au poudre, là où elles auraient pu rester cantonnées en simple fait divers local. Voir un hôpital débordé, et des personnes tuées d’une balle dans la tête, ne peut pas laisser indifférent. 

Certains nient pourtant le rôle des nouveaux médias dans ces évènement internationaux. Evgeny Morozov pointe du doigt une utopie, et pense clairement que sans l’intervention de l’armée en Tunisie, le régime aurait pu effectuer une répression sanglante ciblée contre tout ceux qui se sont aventurés sur Facebook. Pour lui un activiste sur les réseaux sociaux laisse des traces qui le mettent en danger. La leçon que cela apprendrait aux régimes autoritaires est qu’au lieu de censurer les réseaux sociaux, il faudrait les laisser ouvert pour laisser leurs opposants se dévoiler avant de les opprimer et les faire taire. Pire, le soutien des pays occidentaux à certains blogueurs, peut être à double tranchant « le baiser de la mort ». Si ces remarques doivent être entendues, elles ne peuvent, selon moi, remettre en cause le rôle émancipateur des réseaux sociaux. Il n’y a pas de révolution sans prise de risque et sans danger, surtout dans les pays totalitaires. Faut il pour autant ne rien faire ? La peur, après l’ignorance, est l’autre arme des dictatures dans le monde. Une réponse argumentée et très complète a été apportée par Cory Doctorow ici.

Plus proche de nous, car nous ne sommes pas à l’abris de violations de nos libertés fondamentales, les défenseurs de la neutralité du net, craignent notamment ACTA, Hadopi et la LOPSI. La neutralité du net est cette belle idée selon laquelle, comme le rappelle Wikipedia, « on exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau. » Ainsi personne ne pourrait empêcher l’accès à certains sites. Hadopi et LOPSI vont plus loins en permettant à des organismes administratifs de se substituer à des juges pour condamner un internaute, ou filtrer un site internet. Au départ pour des raisons que l’on pourrait juger louables mais qui pourraient facilement être détournées. La menace est donc sérieuse. Méfions nous tout de même d’entrer dans un extremisme qui visent certains à mettre Apple, Facebook, Google, dans le même sac et les présenter comme « les méchants capitalistes » qui veulent réguler Internet à leur manière. Oui par exemple Apple approuve les applications présentes sur son téléphone pour le confort de ses utilisateurs et la vision que la société a de son eco-système. Mais celui qui n’est pas en phase avec cela, peut ne pas acheter d’iPhone et opter pour Android ou toute autre alternative. C’est aussi ça la liberté. On achète un produit Microsoft ou on télécharge OpenOffice, on s’inscrit sur Facebook ou pas, on s’abonne chez Orange, SFR ou chez FREE en connaissance de cause. On reste vigilant, on s’informe, on relaie, et on se révolte si cela ne nous convient pas ou entre en contradiction avec nos valeurs et nos convictions.

Pour en revenir à l’actualité internationale, elle est pleine d’espoirs pour ces peuples qui aspirent au changement. On est allé en Tunisie jusqu’à choisir un secrétaire d’état blogueur @slim404 qui avait été emprisonné lors des évènements. Je suis admiratif tant les français semblent parfois « éteints », peu enclins à s’informer et à se révolter, ni même à aller voter. 

Les tunisiens, les égyptiens, nous donneront ils la clé d’un nouveau monde ?

En savoir plus :  (Si ça ce n’est pas de la curation)

Twitter : Speak to Tweet (@speak2tweet)

Google : Some weekend work that will (hopefully) enable more Egyptians to be heard.

Censure de l’internet en Égypte : une humble action de FDN

Egypt Unrest and the Social Web

DOES EGYPT NEED TWITTER?

Le Caire aurait contraint Orange et Vodafone à envoyer des SMS

L’EGYPTE, TWITTER ET L’ORIENTALISATION DU MONDE

INTERNET SERT-IL À FAIRE LA RÉVOLUTION ?

À quoi ça sert de s’activer sur Internet ? Doctorow répond à Morozov

L’implication des réseaux sociaux dans les grands évènements mondiaux

Tunisie – Egypte : Peut-on vraiment parler de révolution 2.0 ?

Twitter est il un droit de l’homme?

Égypte et Tunisie : «Facebook ne crée pas la flamme»

Al Jazeera, la chaîne qatarie qui fait peur aux chefs d’Etats arabes

« Je suis toujours perdu » : un blogueur du Caire témoigne

Iran: les événements des dernières 24 heures

Neutralité du Net : un rapport veut revoir l’encadrement du filtrage

Partons de Clay Shirky, qui venait ce matin aux rencontres RSLN. A quoi servent les réseaux sociaux, après tout, dans ces mobilisations ?