Lors de la création de ce blog, nous étions enthousiastes sur les bienfaits du Web et des réseaux sociaux. Nous espérions voir l’émergence forme de démocratie plus représentative de la population. Force est de constater que quelques années plus tard, les limites de ces nouveaux médias sont apparues et le constat est parfois amer. Entre l’hégémonie des GAFAM (et les algorithmes qui favorisent la publicité), le déchaînement des haters, la multiplication des fake news et l’apparition de faux profils qui décrédibilisent l’ensemble des acteurs de la toile, Internet ne ressemble plus à l’Eldorado tant convoité. Alors que depuis quelques mois le pays est en proie à une situation chaotique inédite, le gouvernement tente de mettre un place une plateforme pour renouer le dialogue avec tous ceux qui se sentent oubliés par la République.
Quelles sont les différences notables entre ces deux plateformes ?
Présenté comme un outil démocratique inédit, le Grand Débat mis en place par le gouvernement d’Emmanuel Macron est pourtant boudé par les Gilets Jaunes. Ces derniers ont mis en ligne leur propre site afin de recueillir les doléances de leurs compatriotes. Baptisée le Vrai Débat, cette page est ouverte depuis le 30 janvier dernier et utilise la même solution : Cap Collectif, Start-up civique experte en intelligence collective. Ces nouveaux moyens de communication sont-ils la solution pour sortir de la crise ? Alors que pour les Gilets Jaunes tous les sujets méritent d’être abordés, le gouvernement a choisi de fixer 4 thèmes principaux sensés répondre aux préoccupations premières des français : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté et l’organisation des services publics. Le Vrai Débat propose quant à lui 8 catégories principales augmentées d’un espace dédié à l’expression libre afin que les contributeurs puissent exprimer librement toutes leurs revendications.
Sur la forme également, les deux plateformes proposent un fonctionnement différent. Les Gilets Jaunes reprochent au gouvernement la mise en place d’un site opaque, difficilement accessible et non indépendant où nous sommes obligés de répondre à des questionnaires aux intitulés orientés (et chacun sait que les réponses seront forcément influencées par la façon dont sont posées les questions). C’est pourquoi la page qu’ils proposent à destination du grand public permet de facilement mettre en ligne ses idées et ses propositions pour la société de demain. On note aussi d’autres petites différences intéressantes qui nous font préférer Le Vrai Débat : la possibilité de répondre de façon nuancée à une question posée ou de proposer un amendement. Mais finalement aucune des deux plateformes n’est 100% satisfaisante, car sur Le Vrai Débat il y a énormément de doublons non modérés et – comme de nombreux sites – c’est la prime aux messages déjà populaires. Cap Collectif n’a pas mieux à nous proposer ? Le célèbre PHPBB existe depuis 2000, n’a-t-on pas fait de progrès depuis ?
Le site France Info a réalisé un petit comparatif qui permet de bien se rendre compte des principales différences constatées. En effet si une idée comme le réferendum d’initiative citoyenne nous plaît, la façon de le mettre en oeuvre pose énormément de questions. Et si nous options plutôt pour le preferendum ?
Le Grand Débat du gouvernement déjà vivement critiqué
En plus des Gilets jaunes qui ne reconnaissent pas la légitimité d’un tel processus, de plus en plus de voix s’élèvent afin de critiquer la solution proposée par le gouvernement d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe. Le site des « Échos » pointe la facilité à s’inscrire plusieurs fois sous de fausses identités, prouvant ainsi la facilité de biaiser les résultats obtenus à la fin de cette grande consultation nationale. De plus, rien ne prouve la représentativité des personnes qui s’exprimeront au travers de ce site. On peut également ajouter que cette solution met de côté toutes les personnes qui souffrent de la fracture numérique. Les personnes les plus âgées ou ne disposant pas d’accès à internet se voyant ainsi privées de pouvoir faire valoir leur voix et d’exprimer leurs préoccupations. Les diverses réunions organisées localement permettront-elles à tous de s’exprimer de façon équitable et de se sentir entendus ? La validité scientifique de la démarche, lancée à la va-vite, est donc fortement mise en cause. Les plus jeunes qui ne semblent pas investis dans les défilés des manifestations des Gilets Jaunes saisiront-ils cette occasion de pouvoir s’exprimer ? Rien n’est moins sûr et on a hâte de découvrir les premiers résultats.
Les deux plateformes proposent de recueillir les doléances de tous ceux qui le souhaitent pour une durée de deux mois environ avant de faire remonter la synthèse des points principaux issus de cette consultation inédite. On peut souhaiter que le peuple s’empare de ces outils nouveaux qui lui permettent de s’exprimer librement mais la défiance des Gilets Jaunes vis-à-vis de la solution proposée par le gouvernement ne laisse pas présager du succès escompté par ce dernier. Rendez-vous au mois de mars pour tirer les premières conclusions de ce premier exemple de démocratie participative.
En attendant nous avons choisi de jouer le jeu et de participer aux deux plateformes (aucune ne nous a malheureusement relancé par email avec une liste de nouveaux sujets intéressants). Nous sommes aussi curieux de voir comment ces bases de données de contributions et de votes seront compilées, avec l’aide ou non d’outils d’intelligence artificielle. Bien sûr enfin de voir comment cette synthèse sera présentée par le gouvernement et quelles mesures seront mise en place pour y répondre. Si celle ci est insuffisante, la démocratie participative pourrait vivre un échec dont elle aura du mal à se relever. Sauf si nous réussissons à en tirer les leçons.