J’apprends avec tristesse les déboires de Deezer, pionnier français de la musique en streaming. Tout d’abord parce que j’apprécie le service même s’il est très largement perfectible et qu’il souffre la concurrence de Spotify et d’Itunes. Ensuite parce que j’ai vécu plusieurs fois telles situation de gâchis qui ont conduit à des licenciements économiques. J’ai donc une réelle empathie envers les salariés de la société qui ont cru au projet. Certes rien n’est perdu et il ne faut pas baisser les bras, Xavier Niel pourrait jouer les hommes providentiels, ou un repreneur relancer la machine. Mais même dans ce dernier cas quelque chose se casse, et l’esprit de l’entreprise s’envole souvent comme le projet auquel on a cru.
Dans le monde des nouvelles technologies tout va très vite. J’ai vu Club Internet se faire racheter par T-ONLINE (puis par Neuf), Neuf racheté par SFR, BuyCentral en pleine tourmente, Oreka racheté par Firstream/OFUP avant de tomber dans l’oubli, et Violet racheté par Mindscape. J’ai assisté également en spectateur à la chute de nombreuses start-up souvent prometteuses. Que d’argent brulé, que d’énergie déployée parfois pour un tas de cendres. J’en retiens l’expérience, et les personnes que j’ai pu y rencontrer. C’est inestimable.
Quelles sont donc les raisons de ces échecs ? Ils peuvent être nombreux et souvent mêlés. Concurrence féroce, erreurs stratégiques, fautes de gestions parfois d’entrepreneurs trop jeunes ou inexpérimentés, absence d’exigence de qualité (perpétuelle bêta) … Ce que je retiens souvent c’est des levées de fonds, puis un crise, et des investisseurs qui ne veulent plus soutenir un projet qu’ils ne comprennent peut être pas ou plus. Je crois que beaucoup recherchent la rentabilité à très court terme alors que certains projets demandent du temps. Oui il faut des gestionnaire auprès des visionnaires, oui il faut un marketing/commercial fort face à la technique. Mais comment pourraient se construire de grands champions sans investissement massif ?
Nous avons de beaux projets, de belles sociétés, de belles personnalités en France et en Europe pour incarner l’avenir du web. Sur la plupart des activités une gestion saine, en bon père de famille, et beaucoup d’énergie seront suffisants. Pour d’autres afin de capitaliser sur une technologie ou un marché en devenir, demanderont de forts investissements sur le long terme. Fautes de ceux là, jamais la France ou l’Europe ne pourra produire de concurrents sérieux à Google, Microsoft, Apple, Facebook, Twitter (pour ne citer qu’eux) qui possèdent des trésoreries impressionnantes. C’est dommage. Probablement un vrai gâchis. La Chine saura relever les défis que nous abandonnons, avec d’autres valeurs… et nous ne créerons pas les emplois qui vont avec. L’Etat et l’UE ont surement leur rôle à jouer.
Alors je ne sais pas ce qu’il adviendra de Deezer, peut être la société disparaîtra-t-elle, au profit d’un Itunes Store dans les nuages et nous resterons avec nos champions franco-français à nous regarder le nombril pendant le monde avance. Ou alors on mobilise toute cette énergie et on fait le pari de la modernité.