Selon une théorie largement répandue, Saint Seiya serait constitué d’un mélange des différentes mythologies existant à travers les âges et les peuples.

Je ne peux totalement adhérer à cette thèse dès lors qu’il m’apparaît plutôt que le cœur même de la fiction, née de l’imagination de Kurumada, trouve clairement son origine dans la mythologie greco-romaine, tandis que l’auteur puise, il est vrai, abondamment dans d’autres mythologies ou mythes, soit pour élaborer un scénario complet, tel que celui de la bataille d’Asgard, soit pour définir certains héros (Shaka, réincarnation du Bouddha) ou certaines de leurs caractéristiques (Excalibur, le sabre du samouraï… ).

Les divinités qui s’opposent au cours de la série figurent d’ailleurs parmi les dieux principaux, dits Olympiens (à noter cependant que selon certaines légendes, Hadès, dieu des enfers, n’appartient pas aux Olympiens) de la mythologie grecque et romaine, à la seule exception d’Odin, dieu majeur de la mythologie nordique, qui apparaît dans la « Bataille d’Asgard », dont on sait cependant qu’elle constitue un ajout télévisé.

Kurumada, au départ d’une source d’inspiration aussi vaste que l’est la mythologie gréco-romaine, a alors, avec talent, donné image à la légende de Saint Seiya, en se démarquant des racines mythologiques par quelques innovations personnelles, ainsi la réincarnation des Dieux : ceux-ci doivent se revêtir d’une enveloppe charnelle terrestre pour exister et répandre toute leur puissance.

Cette spécificité n’apparaît pas dans la mythologie où, au contraire, les Dieux semblent pouvoir exister sous les formes les plus diverses ; l’exemple le plus évident étant celui de Zeus qui n’hésite pas à se transformer en pluie d’or ou en taureau pour séduire certaines femmes qu’il convoite.

Dans Saint Seiya, Kurumada adopte le schéma classique des querelles divines ; dans les sommets célestes de la plus haute montagne de Grèce, les Olympiens constituent une cour particulièrement indisciplinée dont les disputes résonnent jusque dans le monde des hommes.

The Fall of The Gigants (Giulio Romano)

The Fall of The Gigants (Giulio Romano)

En effet, malgré les faveurs que leur accorde leur rang de dieu, ils ne sont jamais satisfaits et tout est prétexte pour qu’un conflit dramatique éclate, à l’occasion duquel ils se livrent alors combat par héros interposés.

En effet, les héros mythologiques les plus célèbres (Achille, Ulysse, Hector, Ajax, Pâris…) se sont révélés à travers les confrontations des Olympiens. Par exemple, le célèbre Ulysse, dont l’épopée est retracée à travers l’Iliade (guerre de Troie) et l’Odyssée, doit la plupart de ses aventures (il lui faudra 10 ans au lendemain de la guerre troyenne pour retrouver son foyer et son épouse Pénélope) à la rivalité exacerbée entre Athéna (Minerve) et Poséidon (Neptune).

Vous aurez immédiatement relevé le parallèle qui peut être tracé entre cette constance de la mythologie greco-romaine et l’existence des Chevaliers d’Athéna qui combattent, tout au long des nombreux épisodes de la série, les chevaliers envoyés par les divinités qui défient la déesse (Poséidon, Odin, Hadès, Éris, Artémis).

Seiya, Ikki, Shun, Hyoga et Shiryu sont à la déesse Athéna de Kurumada ce que Mélénas, Agamemnon, Achille, Ulysse, Diomède, Persée et Bellérophon sont à la déesse Athéna dans la mythologie.

Vous l’ignorez peut-être mais lors de la Guerre de Troie, derrière le conflit que se livrèrent Troyens (Pâris, Cassandre, Hector, Enée) et Grecs (Achille, Ulysse, Agamemnon, Ajax) se dissimulait une querelle divine entre, d’une part, côté grec, Héra et Athéna, et d’autre part, côté troyen, Apollon et Aphrodite.

Si le cheval en bois imaginé par Ulysse a permis au Grecs de prendre un avantage décisif, l’issue du conflit a été principalement déterminée par l’arbitrage favorable des dieux.

Si l’on parcourt les textes mythologiques se rapportant aux conflits opposant les dieux Olympiens, on s’aperçoit qu’Athéna et Poséidon se sont affrontés pour acquérir le statut de protecteur de la ville d’Athènes. Pour arbitrer leur conflit, ils s’en remettent au choix des Athéniens, lesquels décident que l’élu sera celui qui offrira le cadeau le plus utile aux habitants de l’Attique. Tandis que Poséidon fait jaillir de l’eau de mer du rocher de l’Acropole, Athéna offre un olivier, arbre aux multiples vertus, et obtient ainsi les faveurs des Athéniens.

Poséidon, seigneur des abysses, dieu ambitieux, colérique, rancunier et querelleur, par représailles, inonde la vallée de l’Attique, qui ne doit son salut qu’à l’intervention de Zeus.

Julian Solo est l'incarnation de Poséidon dans Saint Seiya.

Julian Solo est l’incarnation de Poséidon dans Saint Seiya.

On peut penser, en parcourant ce mythe, que Kurumada s’en est inspiré au moment d’imaginer la manière de présenter le conflit entre Julian Solo, réincarnation du dieu des mers, et Saori Kido, réincarnation de la déesse Athéna ; en effet, au péril de sa vie et à l’aide de ses chevaliers, celle-ci doit préserver la terre en évitant qu’elle ne soit inondée par les mers que Poséidon fait déferler.

On peut également épingler qu’Ulysse fut protégé par Athéna tout au long de son Odyssée, au cours de laquelle il rencontra pendant 10 ans les nombreuses embûches semées à son attention par Poséidon, furieux contre lui après qu’il ait aveuglé son fils le cyclope Polyphème au cours d’un combat singulier.

Les généraux des mers qui défient les chevaliers d’Athéna incarnent pour certains des créatures qui ont entravé le voyage d’Ulysse tels que Io de Scylla ou encore Sorrento de Sirène.

A propos de ce dernier, ce n’est sans doute pas par hasard que Kurumada a choisi Shun pour le défier, dès lors que si Ulysse a pu survivre au chant des sirènes, c’est parce qu’il avait invité ses marins à l’enchaîner au mât de son navire.

Si ce n’est au cours du mythe de Perséphone (Proserpine) qui le vit enlever cette dernière à sa mère Déméter pour en faire sa Reine, Hadès (Pluton), pour sa part, ne quitte que rarement le monde souterrain,ce dont personne ne se plaint.

Kurumada le présente dans Saint Seiya comme un dieu malfaisant, pourtant, mythologiquement, s’il est considéré comme une divinité ne connaissant pas la pitié, inexorable et terrible, on s’accorde pour admettre sa « justesse ».

Le Roi des dieux, Zeus (Jupiter), n’a pas été oublié par Kurumada ; dans le manga plus que dans l’anime, il apparaît, mots couverts, sous les traits de Mitsumada Kido, le « grand-père » de Saori ; il assure un rôle protecteur envers celle-ci, même après la disparition de son enveloppe charnelle, grâce au planétarium.

Dans la mythologie gréco-romaine, Athéna est d’ailleurs clairement la fille préférée de Zeus, qui lui pardonne tout et cède souvent à ses caprices.

Voilà, c’est ici que s’achève cet exposé, il existe encore tant de récits à vous faire découvrir concernant les Olympiens, mais le but recherché était avant tout d’illustrer à quel point Kurumada s’est inspiré de la mythologie gréco-romaine laquelle, culturellement, nous est incontestablement la plus proche ; elle est omniprésente et se manifeste dans notre manière même de nous exprimer ; en voici quelques illustrations : musée, écho, narcisse, narcissique, atlas, cupide, psychologie, fil d’Ariane, médusé, voie lactée, académie, aphrodisiaque, apothéose, caduque, Champs-Élysées, comédie, discorde, égide, Europe, furie, hermaphrodite, hermétique, laïus, lycée, nectar, pactole, sirène, ….

Dans un prochain article, j’aborderai les mythes auxquels peuvent être rattachés les chevaliers d’Athéna et leurs principaux adversaires ou alliés au cours de l’œuvre de Kurumada.