30 septembre 2014, je suis sur le chemin qui m’amène chez mon deuxième employeur. Mon téléphone portable vibre. Pourquoi la fille de mon premier employeur m’appelle ? Je l’ai vue hier le 29, lui ai redonné les clefs de l’appartement de sa maman…
Revenons un peu en arrière.
Alzheimer est une maladie neurodégénérative ÉVOLUTIVE. Quant on parle de cette pathologie, on évoque les troubles de mémoire. On aborde moins souvent la perte du bon sens, faculté qui nous permet d’être autonome. On finit par faire les choses par automatisme.
Les personnes qui sont touchées par cette maladie peuvent conserver longtemps leur acquis scolaire mais perdent tout bon sens pour un maintien seules à domicile.
Quand la personne est dans le déni ça se complique car elle refuse toute aide. Elle pense que tout va bien. Et quand elle devient réfractaire, nous rentrons dans le domaine de l’impossible. Si la maladie peut se stabiliser sur plusieurs années, l’altération est souvent brutale. Est-elle due à un choc émotionnel ou a d’autres facteurs déclenchants comme des micro-Avc ?
Nous étions arrivées à la phase terminale de la maladie avec la bénéficiaire. Certains malaises associés par les symptômes d’un micro-avc ont du altérer sa santé.
Ce n’est pas le fait de répéter toujours la même chose qui était le plus difficile mais le refus catégorique de l’aide à la toilette. La bénéficiaire restait assise dans son fauteuil et disait qu’elle avait déjà pris la douche et ne bougeait plus. J’ai demandé de l’aide à sa famille mais rien n’y faisait. Elle répondait qu’elle n’était pas un enfant mais un adulte. La laisser sans être lavée c’était perdre de sa dignité et en ce qui concerne la « forcer » et la prendre par le bras c’était rentrer dans la maltraitance et je m’y refusais.
Les sorties étaient devenues très compliquées. Elle avait des fixations comme ces clefs et déclenchait ce que j’appelais des crises de panique.
Plus rien ne l’intéressait du monde de l’extérieur seules ses discussions qui tournaient en boucle sur son ancienne vie professionnelle.
Nous savions avec sa fille que la maladie allait encore évoluer et moi j’étais très fatiguée. Je commençais à perdre de la vitalité, avoir des problèmes digestifs. Il était temps pour moi de passer le relai.
Nous avons convenu avec sa fille de la date butoir de fin de contrat qui était fixée au mois de décembre 2014.. Et du lieu, une maison de retraite proche du domicile de celle-ci, qui allait lui permettre de voir sa maman très souvent et de l’aider avec l’aggravation de la maladie.
Début Août sa fille m’appelle. Il y a une place de libre dans une maison spécialisée maladie d’Alzheimer, près de chez elle, avec un grand jardin et du personnel compétent.
Je m’étais fait à l’idée de continuer jusqu’à la fin de l’année. J’étais un peu prise à court mais c’était important que Madame aille dans un lieu accueillant et chaleureux.
J’ai essayé de la préparer à notre séparation, des fois elle comprenait, d’autres elle rentrait dans une paranoïa.
La veille du départ, j’avais tout organisé pour que tout se passe pour le mieux. J’ai fait une aide à la toilette en cas d’opposition le lendemain. Je suis venue suffisamment tôt pour prendre le temps de lui servir son petit déjeuner. J’ai pu lui donner une petite douche et discuter un peu. Sentant son agitation je lui ai donné le petit calmant que le médecin avait prescrit. Elle s’est apaisée et me dit qu’elle a envie de dormir.
Heureusement sa fille m’appelle me disant que l’ambulancier demandait s’il pouvait venir plus tôt. Une aubaine nous étions prêtes et j’avais peur qu’elle s’endorme ou se mette à refuser catégoriquement de partir. Au dernier moment j’ai pris le grand sac, lui ai expliqué que sa fille l’attendait. Nous avions mis avec sa fille un mot dans son sac lui expliquant que la famille l’attendait à son arrivée dans sa maison de repos proche de sa fille. On avait rajouté des photos, un jeu triomino, une revue, des médicaments en cas d’allergie.
Elle a préféré être allongée dans l’ambulance et au moment de lui dire au revoir, j’ai eu un pincement au cœur car je savais que nous n’allions plus nous revoir et, qu’elle ne retournerait plus chez elle. Elle m’a demandée de bien s’occuper de son appartement et de bien fermer. Je l’ai rassurée.
J’ai vite repris le dessus car je savais qu’il était temps pour moi de passer le relai. J’ai fermé les volets et je suis vite rentrée chez moi. J’ai eu si peur que ça se passe mal jusqu’au dernier moment.
Je désirai une bonne séparation.
A son arrivée, sa fille m’a appelée pour me rassurer. Sa maman avait fait un bon voyage et s’était prise de sympathie avec l’ambulancier. Je l’ai eu au téléphone. Elle était contente. Sa fille m’a dit plus tard que sa maman désirait acheter la chambre.
La semaine suivante, je suis retournée dans son appartement. J’ai rangé, nettoyé à fond j’ai pris quelques vacances.
Le 29 août j’avais rendez-vous avec sa fille. Nous nous sommes toujours bien entendues, prenant les décisions en accord.
Je lui rendais les clefs de l’appartement.
Revenons au 30 Septembre 2014
-« Allo… Bonjour «
– « Bonjour Chantal. Je pense que vous devez savoir. Maman est décédée ce matin dans son sommeil. »
Madame est partie le dernier jour de mon préavis. Elle qui disait toujours « Vous ne me laisserez jamais. Vous vous occuperez de moi jusqu’à mon départ.
Elle a décidé se s’en aller le dernier jour de mon préavis, le lendemain de la remise des clefs. Elle est allée rejoindre son mari à qui, disait-elle, elle devait tant.
Depuis j’ai passé ma validation des acquis du diplôme d’Aide Médico-Psychologique. J’ai obtenu quatre domaines sur 6. Difficile de trouver un accompagnement personnalisé sachant que je travaille l’après-midi…