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ALZHEIMER : Actions de protection, liées à l’évolution de la pathologie mentale qui influe sur le comportement et la santé de la personne.

Il faut savoir que c’est un travail d’équipe avec la famille, avec l’infirmière, l’orthophoniste, la gardienne, l’auxiliaire de Vie…
Nous ne pouvons rien faire sans l’appui d’une confiance mutuelle avec un proche de la famille.

Situation : Les Finances

La fille m’a prévenue que sa maman retirait beaucoup d’argent et, n’en connaissait pas son utilisation.
Quand sa fille est venue à son domicile. Elle a retrouvé 2000 euros dans différents endroits. Le domaine de « Madame » était de gérer les biens personnels. Elle a arrêté de travailler à l’extérieur pour s’y consacrer. C’était un compromis qu’elle avait fait avec son mari.

Action :

Nous avons du trouver un moyen de la convaincre d’arrêter ses retraits d’argent pulsionnels. Nous lui avons suggéré que vu le nombre de passages à la maison de personnes différentes, il serait facile de voler des espèces. Je connaissais déjà sa méfiance habituelle, ayant accompagné son mari en fin de vie. Je ne pouvais ouvrir une armoire même pour chercher une protection que Madame était déjà derrière moi. Je me suis servie de sa méfiance habituelle pour trouver un motif et, je voulais surtout me protéger.

Nous sommes parties sur une confiance mutuelle entre sa fille et moi-même. Nous sommes restées soudées. Nous nous sommes mises d’accord que 100 euros suffisait en espèces et, j’ai mis en place un cahier de dépenses et, de recettes que je tenais. Au départ, c’était très compliqué. Madame cachait l’argent et, je passais des heures à le chercher. Quant à l’accompagner à la banque, je lui montrais l’argent et, je lui disais que c’était suffisant, qu’il y avait le carnet de chèques en cas de besoin. Je surveillais également le chéquier pour savoir si elle n’était pas allée à la banque. Je me souviens une fois des 500 euros retirés, il fallait rapporter l’argent à l’agence. Le distributeur ne fonctionnant pas, les guichetiers ne prenant plus l’argent, on nous disait de revenir l’après-midi. Madame qui répétait « je reviens toute seule cet après-midi » Moi qui ne voulait pas attendre, je voulais remettre cet argent sur son compte tant que Madame était d’accord. Elle pouvait à tout moment changer d’avis. Et, nous avons marché jusqu’à une autre succursale.

Je ne remets jamais à demain ce que je peux faire le jour même. Par peur que Madame se rétracte ou qu’il y ai un problème de santé nous empêchant de sortir.
Et, puis de jour en jour, sa fille lui rappelant la confiance qu’elle avait en moi, et moi réciproquement, nous sommes arrivées à un temps plus serein question argent.

Aujourd’hui : deux ans et demi se sont écoulés. Madame ne peut plus gérer du tout. Je lui mets des espèces dans son portefeuille si elle veut une revue, sortir boire un jus. Il y en a un peu dans une cachette pour ma collègue ou moi-même quand quelque chose manque à la maison.
Sinon je fais les courses tous les 15 jours et, je paie par chèque à la livraison. Quand nous devons chercher des espèces, nous ne prenons pas plus de 100 euros et, nous notons tout. Et, si Madame veut retourner à la banque, je lui dis que nous sommes lundi, le jour de la fermeture et, que nous irons demain sachant qu’elle va oublier. J’évite le sac à main. Je le laisse à la maison. Je lui dis qu’elle n’a pas besoin d’argent et que j’en ai sur moi.

Sur le chemin elle oublie et nous allons gentiment dans un parc fleuri. C’est plus sympa. Il y a des enfants partout, qui lui parlent, qui jouent, qui sourient et des personnes jeunes, adultes et âgés. De quoi alimenter la conversation !

Situation : La Sécurité :

Madame ne retrouvait plus ses clefs. Comme l’argent je passais beaucoup de temps à les chercher. Je les retrouvais à divers endroits, à l’intérieur d’une chemise de nuit, dans les chaussettes, sous le lit, dans une couette tout en haut d’un placard… Nous lui répétions très souvent de les laisser dans la boîte en cuivre où elle les mettait ordinairement à côté de la porte d’entrée. A un moment donné Madame les laissait dans la serrure. On ne pouvait plus rentrer. J’avais noté au-dessus, à sa hauteur « Ne pas laisser les clefs dans la serrure ». Mais Madame retirait toutes les notes même collées pensant qu’elle n’en avait pas l’utilité. Madame est dans le déni de la maladie (l’anosognosie).

Deux ans et demi après, avec l’évolution de la pathologie, les personnes habitant l’immeuble m’ont interpelée ainsi que la gardienne. Madame venait plusieurs fois sonner à leur porte dans l’après-midi pour leur demander quand son mari était mort ou elle disait qu’elle venait les prévenir qu’elle rentrait de l’hôpital.

Un jour, je l’ai effectivement surprise. Elle allait sortir quand j’arrivai. J’avais beau lui expliquer, mettre des mots que nous allions venir à telle heure, de ne pas sortir mais Madame persistait à aller voir les personnes. Puis, j’ai remarqué que Madame n’arrivait plus à se repérer dans le quartier. Elle souffrait de trouble spatio-temporel (désorientation de l’espace et, du temps).

Une autre fois, Madame était sortie laissant la porte d’entrée grande ouverte.
A un autre moment, une personne avait essayé de s’introduire chez la dame par la porte de service. Elle avait déjà bloqué avec le pied la porte, un gros sac à la main. Heureusement que la gardienne n’était pas loin et, avait entendu une discussion qui l’avait inquiétée.
Il fallait trouver une solution. J’en ai parlé à sa fille, au médecin, à l’infirmière, à l’orthophoniste.
La fille a décidé que nous allions lui retirer les clefs. Il n’y avait pas d’autre solution.

Action :

J’ai travaillé sur le télé-alarme, ce petit bracelet que Madame a à son poignet. Je lui dis qu’elle doit appuyer sur le bouton vert, s’il y a une urgence. J’ai scotché des affiches. Madame a également le numéro de sa fille près d’elle. Ses clefs sont dans l’appartement mais cachés. Et, les voisins les ont également sauf que parfois ils partent en vacances. Au début, c’était très difficile, Madame cherchait ses clefs, n’acceptait pas. Elle était agitée quand j’arrivais, toquait à la porte.

Aujourd’hui le Télé-alarme la rassure. Elle sait qu’en appuyant sur son bouton, les urgences seraient prévenus et, toute la famille également. Je lui explique que nous essayons de la protéger contre la maladie qui avance. Et, qu’il y avait toujours possibilité de rentrer dans une institution médicalisée. Madame est rassurée et, ne voulant pas rentrer dans une institution, elle préfère pour le moment cette solution.

J’essaye de lui parler franchement même si je sais qu’elle va oublier. Mais je pense qu’elle doit quand même enregistrer car nous arrivons avec le temps à l’acceptation « Je n’ai plus les clefs Chantal ? » me demande t-elle au lieu de me demander « Où sont mes clefs ? ».

Situation : La Santé

Madame a eu trois chutes de tension en un mois. La pression artérielle est descendue à 8,4. Ça se produisait le matin. Une fois, elle a été hospitalisée et ils en ont conclu à une « gastro virulente » car elle avait vomi . Sans fièvre, ni de maux de ventre, j’ai émis des doutes.

Action :

A la troisième chute de tension, j’appelle à nouveau le médecin et, je le retiens longuement pour connaître la cause de ses hypotensions. J’ai échangé longuement au préalable avec l’équipe pour recueillir toutes les pistes possibles et, les exposer au médecin. La fille de Madame m’oriente vers les médicaments. Et, effectivement Madame prend deux médicaments pour des pathologies différentes mais tous deux font baisser la tension. L’infirmière lui donne en une seule prise le matin. (Étant dans le déni Madame faisait n’importe quoi avec les médicaments. Nous étions obligés de les retirer). C’est là que le médecin décide de donner de l’Amlor (l’Amlodipine) le soir au coucher. Depuis tout va bien, enfin jusque là !

Attention : Il faut absolument rester à côté de la personne aidée lors de la prise des médicaments. Il faut attendre que tous les médicaments soient avalés par la personne. La personne doit rester assise à côté de vous. Les médicaments peuvent tomber au sol, être oubliés par la personne, ou être recrachés dans le lavabo ou aux toilettes.

Situation : Madame émit des signes d’alerte importants d’épuisement. Un matin en arrivant je l’ai trouvée dormant, la tête sur la table de la salle à manger. Souvent Madame se plaignait d’avoir mal dormi, disait qu’elle réalisait aujourd’hui que son mari n’était plus là.
Mais là d’après les signes je constatais que ce n’était plus le simple discours habituel. J’en ai eu la confirmation le jour où l’orthophoniste a du interrompre sa séance tellement que Madame était fatiguée.
Quand j’arrivais l’après-midi, Madame pensait que c’était le matin. Elle souffrait de trouble de désorientation du temps (spatio-temporel).

Action :

J’ai retiré un tableau pour mettre en place une grande montre bien en évidence. Nous avons prolongé les heures jusqu’au soir. Il est important que nous soyons là pour faire une bonne promenade du soir (ce qui améliore une bonne nuit de sommeil), pour le dîner, pour fermer les volets et surtout pour le coucher. Quand nous quittons la personne, elle est en robe de chambre, le lit ouvert, avec des journaux, des photos, un réveil, et un verre d’eau à sa disposition.
Avant que je parte, Madame appelle sa fille pour lui souhaiter une bonne nuit.
Nous suivons un rituel, le même chaque soir.

Je me dis aujourd’hui en décrivant tout le parcours, que le bilan est positif. À plus de 90 ans la personne aidée est encore à son domicile ainsi qu’une autre personne aidée qui a aujourd’hui 81 ans.

Que de chemin parcouru et encore à parcourir, en équipe !

Que d’émotions ! ☺

Bonne nuit !

Pour aller plus loin :

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