Sur le web le hasard fait souvent bien les choses. Comme pour une belle rencontre, des pépites peuvent être trouvées fortuitement par une recherche sur Google, par un recommandation sur les réseaux sociaux, par des liens hypertextes… Je ne sais d’ailleurs plus exactement sur quoi portait la recherche initiale, mais je suis tombé sur Google Books sur un extrait d’un livre nommé « Disney et la France » écrit par Sébastien Roffat et édité en 2007 chez l’Harmattan. Son objectif est de nous faire découvrir et redécouvrir l’histoire de la création de Disneyland Paris et de ses 15 premières années.
Pour info, je n’ai trouvé la version ebook que sur l’application iPad de la @fnac (Fnacbook) à un prix prohibitif, et malgré les difficultés rencontrées avec ce lecteur qui accuse le coup face à la concurrence, j’en ai dévoré les 200 premières pages (sur 382 avec les annexes, 358 sans) en 24 heures. C’est dire qu’elles étaient passionnantes. La première partie (sur deux) traite du contexte de Disney dans le monde et notamment de ses parcs, avant que l’idée d’une implémentation en Europe ne se fasse jour jusqu’à l’ouverture au public. J’ai pris quelques notes que voici, mais je vous invite à lire le livre qui est truffé de citations de presse notamment, ainsi que de chiffres.
Walt Disney a su faire naître sa vision du divertissement avec notamment deux réussites que sont Disneyland en Californie et Walt Disney World en Floride, qu’il ne verra malheureusement pas de son vivant. Malgré de grandes difficultés pour le studio fin des années 70 / début des années 80, les parcs ont globalement bien résisté et leurs résultats – mis à part quelques exceptions – ont toujours été très bons. Un troisième parc a ouvert à Tokyo en 1983, duquel la Walt Disney Company (WDC) n’est pas prioritaire même si elle touche de très fortes redevances vu son succès. C’est plutôt naturellement que les regards se tournent vers l’Europe, où Walt Disney et ses oeuvres ont toujours eu un bon accueil, et dont les oeuvres (les contes principalement) ont inspiré l’artiste.
Plusieurs sites sont envisagés dans plusieurs pays d’Europe. En France on évoque dès les années 60 l’idée d’un parc de loisirs (sans parler de Disney) dans le secteur IV de la ville nouvelle de Marne-La-Vallée. Mieux encore l’EPA Marne (établissement public d’aménagement pour le développement économique de la Marne) émet l’idée audacieuse d’un pôle urbain en plus du parc de loisirs. Cela séduit Ray Watson, le président de Walt Disney Productions de 1983 à 1984 avant l’arrivée de Michael Eisner cette même année qui portera vraiment le projet. Cela ne serait donc pas simplement un Magic Kingdom, mais également un vaste projet avec d’autres parcs, des hôtels, un golf, un centre de conférences, etc …
Marne-La-Vallée, et plus généralement la France, a plusieurs concurrents dont le plus coriace : l’Espagne. Notre principale faiblesse : la météo. Mais le succès de Tokyo Disneyland vient démentir cette crainte. Le projet est soutenu par François Mitterrand et Laurent Fabius qui signe le 18 décembre 1985 une lettre d’intention. Michael Eisner, amoureux de Paris, avait-il vraiment l’intention de faire un autre choix ou fallait-il faire monter les enchères ? Le 24 Mars 1987, en pleine période de cohabitation démarrée en 1986, Jacques Chirac signe la convention à Matignon. Plusieurs avantages sont accordés, une TVA réduite (qui sera applicable sur tous les parcs de ce type et plus tard les fêtes foraines), des prêts préférentiels, des accords avantageux concernant les terrains, des investissements notamment sur les transports publics…). En échange c’est le développement de tout un département qui est en jeu et des milliers d’emplois (outre, on en parle jamais assez, du plaisir de se détendre à Disneyland…).
La France n’est alors que très peu pourvue en parcs d’attraction, et c’est soudain la ruée vers l’or. De nombreux projets, parfois farfelus sont lancés. Parmi eux Mirapolis à Cergy et Zygofolis à Nice le 1er Juillet 1987. Pour la petite histoire j’ai connu Zygofolis, j’y suis allé deux années durant avec mon père, et malgré les insuffisances du parc bien loin des standards Disney, ce sont parmi les meilleurs moments que je retiens de ces séjours. J’aimais donc déjà les parcs d’attractions, j’en ai connu un autre près de la frontière alsacienne que nous avons visité deux fois lorsque j’étais au collège, il s’agissait d’Europa Park en Allemagne. Zygofolis et Mirapolis ont très vite disparus, comme beaucoup d’autres. Big Bang Schtroumpfs a été racheté par Walibi, et le Parc Astérix, malgré quelques difficultés semble être un rescapé et une exception. Mais tout cela est bien loin de la magie Disney.
Source : http://zygo.altervista.org/
Dans ce contexte le resort envisagé par Disney, nommé EuroDisney ou EuroDisneyland, a connu de vives oppositions malgré un soutien populaire non démenti par les sondages de l’époque. L’opposition de certains agriculteurs est compréhensible, la crainte de l’avenir est légitime. Mais les critiques de certains intellectuels bien pensants montrent bien qu’ils parlent de tout sans savoir. Dans certains cas c’est même de l’anti-américanisme primaire. A les lire, Disney c’était l’envahisseur américain venu piller notre pays et sa culture. Les mêmes sans doute qui critiquaient les mangas et l’animation japonaise et qui aujourd’hui s’expriment toujours sur tout. Consternant : Jack Lang, à nouveau ministre de la culture après la réélection de François Mitterrand, refuse d’inaugurer le parc. Beaucoup de voyages à Orlando sont organisés pour convaincre. Les politiques eux, si l’hostilité des écologistes et des communistes n’a pas varié, le Parti Socialiste (PS) et le FN ont eu des positions changeantes.
La convention prévoit un parc à 22 milliards de francs dont 10 pour le Magic Kingdom. Un montage administratif et financier complexe est monté pour ce projet pharaonique avec notamment une SNC qui (si j’ai bien compris grossièrement l’idée) détient le terrain et ses constructions, et une SCA qui loue par un crédit-bail et gère l’exploitation au quotidien. Ce crédit bail est envisagé pour une durée de 20 ans avec un rachat pour une valeur résiduelle avant dissolution de la SNC. La Walt Disney Company détient 17% de la SNC, et 49% de la SCA via EDL Holding Company. Des redevances sont payées également pour les droits des licenses utilisées ainsi que pour le merchandising. En 1989 l’introduction en bourse est considérée comme un succès.
Avec la chute du mur les analystes pensent que les prévisions de la WDC sont trop frileuses. D’où l’idée d’ouvrir le second parc calquė sur le Disney MGM Studios de Floride en 1994 ou 1995 au lieu de 1996. Le coût estimé de ce parc est alors de 4 milliards de francs. Robert Fitzpatrick (PDG d’EuroDisney) craint une trop grosse affluence dans le parc. Un EPCOT européen pour l’an 2000 est même envisagé comme troisième parc.
En 1988 début des travaux. Important soucis du détail dans la phase de conception. Par exemple :
- Main Street conservera un style victorien mais aura 580 000 briques rouges. On apprend aussi que généralement le parc se parcourt dans le sens des aiguilles d’une montre… Et que les boutiques hormis l’Emporium sont sexuées. Deux arcades parallèles Liberty et Discovery sont crées notamment pour les jours de pluie.
- Frontierland est placé plus près de l’entrée et agrandi. Le ton est rouge pour évoquer certains westerns appréciés par le public européen. Phantom Manor doit rappeler Psychose le chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock.
- Fantasyland rappelle les héros féeriques Disney dont l’inspiration vient d’Europe. La principale originalité vient cependant du château de la belle au bois dormant plus raffiné que ses homologues.
- Discoveryland c’est la nostalgie du futur d’autrefois. Au lieu d’imaginer le futur et de voir ce land vieillir comme cela a été le cas en Californie, c’est le futur d’aujourd’hui vu par Jules Vernes, Orson Wells, George Lucas …, qui est présenté.
- Une compétition est organisée entre architectes pour le quartier des hôtels ainsi que le Festival Disney (futur Disney Village). Un vif débat a lieu également autour de la présence du Disneyland Hôtel (le palace du complexe) à l’entrée du Magic Kingdom, sa taille et sa couleur (rose avec un toit rouge).
La promotion du parc est également intense avec l’arrivée des Disney Stores et de nouveaux programmes Disney sur toutes les télévisions et l’idée d’exporter le succès de Disney Channel outre atlantique fait son chemin. Apres avoir ravi les téléspectateurs de France 3, Disney passe sur TF1 récemment privatisée et rencontre Jean-Pierre Foucault et Dorothée. Hachette édite également toujours des livres et magazines autour des personnages emblématiques Disney qui font la promotion du futur parc à thèmes. Il y a également des partenariats d’images avec des marques. Enfin, pour l’ouverture une émission diffusées sur plusieurs pays européens, avec des stars françaises et internationales, mets le paquet pour séduire.
Enfin, aux 4 coins du monde s’effectue le recrutement des cast member. Les règles strictes d’un point de vue vestimentaire choquent les syndicats français là où les USA et le Japon ne posaient pas de problème.
A suivre avec la seconde partie.
En attendant vous pouvez toujours lire ces autres articles sur Disney et Disneyland Paris, notamment celui ci sur les futurs projets d’EuroDisney SCA.